Patrimoine

L’archéologie à Québec

Îlot des Palais

975-710 ans AA : un lieu de passage

L’endroit était facilement accessible par voie d’eau et sans doute situé sur une route autochtone entre le fleuve Saint-Laurent et l’intérieur des terres. Les groupes autochtones qui s’y sont arrêtés entre 975 et 710 AA (Sylvicole supérieur) étaient attirés par les ressources fauniques de l’estuaire de la rivière Saint-Charles et du fleuve. Le ruissellement des eaux de la falaise et les marées rendaient toutefois le lieu peu propice à des séjours prolongés.

Lac Saint-Charles

Place Royale

1665-1675 : un centre industriel

En 1663, la colonie passe sous l’autorité royale. Elle est désormais dirigée par un gouverneur, un intendant et un conseil souverain. Alors que le gouverneur est chargé des questions militaires et politiques, l’intendant s’occupe de l’administration de la justice, de l’économie et du commerce.

À l’époque de l’intendant Jean Talon (Châlons-sur-Marne, 1626 – France, 1694), soit de 1665 à 1672, l’estuaire de la rivière Saint-Charles devient un véritable centre industriel qui comprend notamment un chantier maritime (v. 1666-1673), une brasserie (1668-1675) et une fabrique de potasse (1670-1675). Ces industries visent à diversifier l’économie jusque-là axée sur la traite des fourrures.

1675-1713 : période de transition et premier palais de l’intendant

L’édifice de la brasserie, dont la partie centrale prend comme assise une construction antérieure, sert de logement et de magasin avant d’être affecté à l’intendance. L’intendant Jacques De Meulles (?,? – Orléans, 1703) s’y installe en 1684, sa résidence ayant été ravagée par les flammes. Deux ans plus tard, la propriété est acquise par le roi Louis XIV pour loger l’intendance. En plus d’être la demeure officielle de l’intendant, l’ancienne brasserie accueille la salle du conseil souverain et une chapelle, la prévôté, les prisons et le logement du geôlier, ainsi que les magasins du Roi et le logement du garde-magasin. La boulangerie de la garnison occupe un bâtiment séparé situé dans la cour. Le premier palais est détruit par un incendie en janvier 1713.

Dans la partie basse de la ville, près de la falaise, le premier palais de l’intendant.

Cartouche de Fonville/J.-B.-Louis Franquelin, Québec vue de la Canardière, 1699, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, NC89-11-62, original conservé au Service historique de la Marine à Vincennes.

1713-1760 : le second palais de l’intendant

De 1714 à 1719, on procède à la reconstruction. Un second palais est élevé plus près de la rivière tandis que ce qui subsiste de l’ancien palais est reconverti en magasins du Roi. Le second palais loge l’intendant, le conseil souverain, la prévôté et une chapelle. Incendié en 1725, il est immédiatement reconstruit en utilisant les murs préservés. Les magasins du Roi comprennent des lieux d’entreposage et les appartements du garde-magasin, de même que les prisons et les appartements du geôlier, la boulangerie de la garnison et les appartements du distributeur des vivres.

En 1760, en ripostant aux troupes de François de Lévis (près de Limoux, 1719 – Arras, 1787) qui désire reprendre Québec, l’armée britannique incendie accidentellement les magasins du Roi ainsi qu’une bonne partie du quartier, à l’exception du palais.

Bataille des Plaines d’Abraham et de Sainte-Foy

La cour du second palais de l’intendant au moment de la Conquête. L’allée principale mène à un perron à deux volées d’escaliers.

Richard Short, Vue du Palais de l’intendant, 1761, Bibliothèque et Archives Canada, 1989-283-3.

Le second palais de l’intendant du côté de la rivière Saint-Charles au moment de la Conquête.

Richard Short, Vue de la partie nord-ouest de Québec depuis la rivière Saint-Charles, 1761, Bibliothèque et Archives Canada, 1989-283-2.

1760-1820 : une occupation civile et militaire

Après la Conquête, l’emplacement passe aux mains du gouvernement britannique. Le second palais sert principalement de caserne militaire, notamment pour le 78th (Fraser’s Highlander) et le 48th Regiment of Foot. Dès 1765, des terrains sont concédés à des particuliers en bordure de la rue De Saint-Vallier.

En 1775, les révolutionnaires américains occupent le palais. Ils sont rapidement délogés par les bombardements de l’armée britannique, qui incendie l’édifice et les maisons environnantes. Par la suite, le palais endommagé est utilisé comme entrepôt alors qu’une cour à bois clôturée est aménagée sur les terrains.

Dans les années 1780, des écuries royales et une maison pour les cochers sont élevées rue De Saint-Vallier. Les ingénieurs en chef de l’armée britannique s’installent dans une demeure située entre la maison des cochers et l’aile ouest de l’ancien palais; ils l’habiteront jusqu’en 1824.

Le second palais de l’intendant en ruine après l’invasion américaine en 1775.

George Heriot, Vue de Québec à partir du quai Grant, vers 1793, Bibliothèque et Archives Canada, C-012744.

Au début du 19e siècle, la rue De Saint-Vallier est entièrement bordée de constructions. Sur ce détail de la maquette Duberger montrant l’îlot des Palais, on aperçoit notamment la maison des ingénieurs royaux en bas au centre et la maison des cochers vis-à-vis à droite.

Maquette Duberger/By, Parcs Canada, photographie Ville de Québec.

1820-1852 : logement et activités artisanales

La rue Saint-Paul, créée en 1816, prive la propriété de son lien direct avec la Saint-Charles. En bordure de la rivière, des quais sont construits sur des remblais. Le palais est amputé de sa moitié nord, remplacée par un hangar à charbon.

En 1820, les autorités militaires mettent en vente six lots du côté de la rue De Saint-Vallier, entre la rue Saint-Nicolas et l’actuelle rue Vallière. Les lieux seront principalement occupés par la boulangerie Clearihue, incendiée en 1845 et reconstruite peu après. À ce moment, George Bisset achète la portion ouest du site et y implante une fonderie.

Place Jean-Pelletier

La rue De Saint-Vallier vers 1830.

James Pattison Cockburn, Les rues Saint-Charles et Saint-Vallier à l’angle de la rue Saint-Nicholas, vues du bastion de l’artillerie, Bas-Canada, Bibliothèque et Archives Canada, 1970-188-318.

1852-1974 : la brasserie Boswell-Dow

En 1852, Joseph Knight Boswell acquiert la boulangerie Clearihue pour la transformer en brasserie. À partir de 1868, il loue du War Office les caves voûtées du second palais et les utilise comme entrepôt. Sa brasserie ne cesse de croître, bien qu’il connaisse certaines difficultés financières. L’entreprise passe aux mains de ses fils en 1887 et prend le nom de Boswell and Brother.

À la fin du 19e siècle, la Boswell achète la fonderie Bisset, devenue la fonderie Gagnon et Frères, et la maison Alexander-Fraser, au coin des rues Saint-Nicolas et De Saint-Vallier. En 1909, plusieurs brasseries s’associent pour former la National Breweries, elle-même acquise par la Canadian Breweries en 1952. Celle-ci réunit sous une même bannière les brasseries Dow, Dawes, Frontenac et Boswell; à partir de ce moment, on ne produit que de la Dow.

En 1966, la rumeur publique attribue le décès de 16 personnes à la consommation de bière Dow fabriquée à Québec. Cet incident met fin au brassage et à l’embouteillage dans la brasserie de la rue Saint-Nicolas. L’entrepôt sert de centre de distribution régional de bière Dow en provenance de Montréal et plusieurs édifices sont démolis. Le printemps 1974 marque la fin des activités, la brasserie Dow ayant fusionné avec la brasserie O’Keefe.

La brasserie Boswell vue du sud-ouest, vers 1887.

The City of Quebec Jubilee Illustrated 1837-1887, Archives de la Ville de Québec, N010055.

La brasserie Boswell vue de la côte du Palais en 1908. On aperçoit, rue Saint-Nicolas, l’entrepôt de la compagnie à droite de l’entrée de la cour.

Archives de la Ville de Québec, N010952.

1974 à aujourd’hui : l’îlot des Palais

Le terrain devient la propriété de la Ville de Québec en 1974. La maison Alexandre-Fraser, l’entrepôt de la rue Saint-Nicolas et le garage de la rue Vallière trouvent une nouvelle vocation tandis que les espaces vacants sont transformés en parc urbain ou en stationnement. Les caves voûtées du second palais accueillent un centre d’initiation à l’histoire de la ville de Québec, puis un lieu de diffusion archéologique.

Depuis 1982, le site a fait l’objet de fouilles réalisées par le chantier-école de l’Université Laval et la Ville de Québec. Le parc urbain et l’exposition L’îlot des Palais : révélations, présentée dans l’édifice des Voûtes du Palais, mettent en valeur cet important site archéologique et historique.

L’édifice des Voûtes du Palais a été élevé sur la moitié sud des caves voûtées du second palais de l’intendant. Avec ses deux pavillons, il reprend la forme générale de cet important bâtiment.

Photographie L’îlot des Palais.

La maison Alexander-Fraser au 15, rue Saint-Nicolas.

Photographie Ville de Québec.

L’entrepôt de la Boswell-Dow au 19, rue Saint-Nicolas. Le fronton est maintenant intégré dans une façade rectangulaire.

Photographie Ville de Québec.

Le garage de la National Breweries au 7, rue Vallière.

Photographie Ville de Québec.

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