Patrimoine

L’archéologie à Québec

Îlot des Palais

Entre 1686 et 1692, d’importantes transformations sont apportées à la brasserie de Jean Talon (Châlons-sur-Marne, 1626 – France, 1694) pour en faire une résidence digne de l’intendant en poste. Le premier palais fait face à la rivière Saint-Charles, son principal accès, et est positionné de façon à être bien en évidence lorsqu’on arrive par voie d’eau. Selon un plan de Robert de Villeneuve datant de 1692, l’intendant habite presque toute la moitié ouest, tandis que la partie est comprend la salle du conseil souverain, les prisons et les magasins du Roi. Quelques constructions complémentaires sont annexées à l’édifice ou occupent la cour. À l’ouest se trouvent les jardins. L’emplacement est clôturé et fortifié. Un grand bassin pour les bateaux est à l’état de projet, mais il sera réalisé de façon beaucoup plus modeste.

Les fouilles ont révélé que le premier palais mesurait plus de 67 m et que les sections en colombage de la brasserie ont été remplacées par de la maçonnerie de pierre. L’édifice était couvert d’ardoise et certaines aires étaient pavées de carreaux de Marseille. Adjacentes à l’ancienne touraille, reconvertie en tourelle, se trouvaient des latrines à étages. Les caves du corps central se divisaient en cinq salles d’entreposage.

Le premier palais de l’intendant à la fin du 17e siècle : en rouge, les ouvrages faits; en jaune, les ouvrages projetés.

Robert de Villeneuve, détail du Plan de la Ville de Québec en la Nouvelle France où sont marqués les ouvrages faits et à faire pour la fortification, par le Sr de Villeneuve, 1692, Bibliothèque et Archives Canada, Ph/340/Québec/[1692].

Les cinq salles d’entreposage

Les caves de l’intendant

Les deux salles à l’ouest contenaient surtout des objets domestiques reliés à la présence des intendants : vaisselle, verrerie de table, barils, contenants variés, menus objets. Les macrorestes végétaux reflètent la diversité des denrées consommées : blé, orge, olives, raisins, figues, prunes, noix longues, noisettes, fraises, framboises et merises. Dans la salle à l’extrême ouest, au-dessus du dallage du germoir, un plancher de chêne rouge disposé sur des solives d’épinette protégeait les vivres de l’humidité du sol.

Intendants ayant occupé le premier palais

1684 à 1686 Jacques de Meulles (?,? – Orléans, 1703)
1686 à 1702 Jean Bochart de Champigny (Rouen, ap. 1635 – Hâvre-de-Grâce, 1720)
1702 à 1705 François de Beauharnois de la Chaussaye (Orléans, 1665 – Orléans, 1746)
1705 à 1711 Jacques Raudot (?, 1638 – Paris, 1728) et Antoine Raudot (?, 1679 – Versailles, 1737) (cointendance)
1712 à 1713 Michel Bégon de la Picardière (Blois, 1667 – La Picardière, 1747)

 

Vestiges du premier palais de l’intendant.

Plan Ville de Québec.

Tuiles d’ardoise, clous forgés et carreaux de Marseille, premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Porcelaines, faïences et verres à tige, premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Bouteilles, bouchons et chantepleures, premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Noix longues et raisins, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Les caves des magasins du Roi

La salle centrale n’a livré aucun vestige de la période du premier palais, alors que les deux salles à l’est se rapportaient aux magasins du Roi. Plusieurs personnes travaillaient dans ces magasins : garde-magasin, arquebusiers, armuriers, canonniers, taillandiers, serruriers, tonneliers, commis aux écritures.

Les marchandises entreposées étaient distribuées dans tout le territoire de la Nouvelle-France. Des objets semblables ont été trouvés dans plusieurs sites français et autochtones, en particulier dans la région des Grands-Lacs et dans la vallée du Mississippi jusqu’au golfe du Mexique.

Le travail artisanal

Des objets pour allumer le feu, des outils, des creusets, du fer en barre, du mâchefer ainsi que des résidus de plomb, de cuivre et de mercure témoignent des activités artisanales et plus particulièrement du travail des métaux.

La recherche minière menée par l’administration coloniale est illustrée par des petits creusets triangulaires en terre réfractaire utilisés pour l’évaluation des métaux précieux et par les résidus déposés au fond de ces contenants. La provenance de ces creusets n’a pu être établie, mais ceux du land de la Hesse en Allemagne étaient réputés pour leur grande résistance. Aucune trace des fours en brique réfractaire nécessaires aux opérations de fusion n’a été mise au jour.

Percuteur en pierre, batte-feu, amadou, outils, creusets, résidus de cuivre et de plomb, aiguille et fer en barre témoignant des activités artisanales, premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

L’entreposage

Dans les caves, les archéologues ont recueilli des milliers d’objets destinés à l’approvisionnement des troupes et aux échanges commerciaux ou diplomatiques effectués dans le cadre de la traite des fourrures. L’ensemble inclut des pièces de fusils, des munitions, des pierres à fusil, des parties d’épées, des lames de couteaux, du fer en barre, de la quincaillerie d’architecture, des hameçons, des perles de verre, des médailles et des bagues en laiton.

Les pièces de fusils ont vraisemblablement été fabriquées dans les manufactures de Saint-Étienne et de Tulle; considérant leur abondance, il est permis de penser que les fusils étaient en partie assemblés sur place. Le coulage de munitions a laissé une grande quantité de résidus de plomb. Les pierres à fusil sont toutes sur éclat et proviennent sans doute d’une même source d’approvisionnement, probablement la région du Pas-de-Calais.

La collection comprend des pièces d’épées, réservées aux gentilshommes et aux militaires, et plusieurs couteaux pliants à lame rabattue portant les marques de couteliers de Saint-Étienne : Hugues Palle le plus aynez, Antoine Didier Laine, Denis Buisson, Blaize Buisson, Claude et Blaize Durante.

Pièces de fusils en fer, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Pierres à fusil, grenaille ou cendrée et chevrotine de plomb, premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Boulets français en fonte, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Pièces d’armes blanches : poignée d’épée, pommeau, virole, coquilles, pinces et pointe de fourreau, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Lames de couteaux pliants à pointe rabattue, plus spécifiquement utilisées pour l’apprêtage des peaux, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Quincaillerie d’architecture, premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Bagues dites jésuites, sceau à ballot de marchandises, perles de verre et hameçons, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Médailles religieuses, caves du premier palais de l’intendant.

Îlot des Palais, collections archéologiques de la Ville de Québec, photographie Ville de Québec.

Les prisons

Selon le plan de 1692 de Robert de Villeneuve, l’aile est du premier palais abrite les prisons. Les cachots communiquent avec un préau qui comprend un passage couvert et une cour clôturée. Les archives distinguent les cachots, destinés aux prisonniers de droit criminel, et la prison civile.

Les cachots seront réutilisés après l’incendie du premier palais et sa reconversion en magasins du Roi. Un plan fait en 1718 par Claude-Dorothée Laguer de Morville indique que les caves regroupaient quatre cachots voûtés, ceux situés au sud comportant chacun un soupirail, tandis que le rez-de-chaussée comprenait deux cachots voûtés et une pièce réservée à la prison civile.

Vue vers le nord-est des caves de l’aile est et de la cloison qu’elles partageaient avec les prisons du premier palais de l’intendant.

Photographie Ville de Québec.

Les cachots voûtés du premier palais de l’intendant sont restés presque intacts, grâce à la réutilisation qu’en a faite la brasserie Boswell. Ils existent toujours et servent au passage de canalisations.

Tiré de Nicole Dorion, La brasserie Boswell : un essai d’ethnologie industrielle, CELAT, Hors série no 3.

Porte de la prison du premier palais de l’intendant donnant sur le préau.

Photographie Ville de Québec.

Soupirail éclairant l’un des cachots du premier palais de l’intendant situés du côté de la rue De Saint-Vallier.

Photographie Ville de Québec.

Les jardins

Les jardins formaient un carré clôturé divisé par deux allées qui se croisaient, l’espace central étant occupé par un bassin circulaire. Les fouilles ont livré des vestiges du bassin, d’une canalisation de pierre qui traversait les jardins et alimentait probablement ce bassin et de piquets utilisés pour délimiter les subdivisions. Le lieu servira de basse-cour à l’époque du second palais.

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